Cryptomonnaies : quelle fiscalité pour vos plus-values et quelles obligations déclaratives ?

Les investissements et spéculations en cryptomonnaies atteignent des niveaux records. La volatilité de ces supports génère parfois d’importantes plus-values ou pertes, poussant l’administration fiscale à s’y intéresser de plus en plus près. Or, si les règles d’imposition et les obligations déclaratives sont relativement claires, elles sont largement méconnues des utilisateurs de plateforme. Ces derniers pourraient ainsi, sans le savoir, ne pas satisfaire à leurs obligations et s’exposer à des risques fiscaux.


L’année 2020 aura été exceptionnelle à bien des égards. Outre les nombreuses mutations dans nos habitudes et modes de vie générées par la pandémie de Covid-19, 2020 aura aussi été l’année de l’avènement des cryptomonnaies.

Ces actifs numériques, au premier rang desquels le Bitcoin, n’ont cessé d’attirer de plus en plus d’investisseurs et de particuliers, affichant des volumes de transactions et des cours records. Autre nouveauté, le payement en cryptomonnaie commence à être accepté par certains acteurs du commerce en ligne, comme PayPal par exemple.

Ce succès et cette généralisation n’est pas sans poser d’importantes questions fiscales : imposition des plus-values de cession, conséquences lorsqu’un achat en ligne est payé au moyen de cryptomonnaie ou encore formalités déclaratives. Le régime des intérêts (earn) perçus en cryptomonnaies fera l'objet d'un autre article. 

Le législateur et l’administration fiscale se sont saisis de ces questions et nous disposons désormais de nombreuses réponses. Celles-ci, en plus d’être souvent complexes, sont largement méconnues, exposant ces particuliers à des redressements fiscaux. Ces règles figurent dans le Code général des impôts aux articles 150 VH bis et 200 C ainsi qu’au BOFIP BOI-RPPM-PVBMC-30. Nous nous proposons ici d’en rappeler les grandes lignes. Ces règles visent toutes les personnes physiques ayant leur résidence fiscale en France, quelle que soit la localisation des plateformes au travers desquelles les opérations sont effectuées.

Attention à la fréquence et au volume des transactions

En premier lieu, il convient de distinguer les plus-values réalisées à titre occasionnel de celle réalisées à titre habituel. Les premières sont soumises à la flat tax (taux forfaitaire de 30% comprenant l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux) tandis que les secondes seront soumises au taux marginal du foyer pour l’impôt sur le revenu (dans la catégorie des BIC) et au taux de 17,2% pour les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, etc.).

Les particuliers réalisant des opérations en cryptomonnaie devront donc se montrer vigilants sur le caractère occasionnel ou habituel de leurs opérations. L’administration fiscale aura en effet intérêt à qualifier les opérations d’habituelles pour pouvoir imposer les gains dans la catégorie des BIC avec une fiscalité bien supérieure à celle de la flat tax.

Quelles sont les opérations qui déclenchent l’imposition ?

Qu’en est-il des opérations donnant lieu à imposition ? Il s’agit des cessions, bien sûr, mais aussi des échanges avec soultes (exemple : échange 1 Bitcoin contre 20.000 Ethereum + 5.000 euros) et aussi des achats de biens ou de services payés en cryptomonnaie (exemple : achat d’une tablette tactile en ligne payée en cryptomonnaie).

Toutes ces opérations sont susceptibles de générer une plus ou moins-value qui sera prise en compte pour le calcul de l’impôt. A noter toutefois que les échanges sans soulte bénéficient d’un sursis d’imposition. Ces opérations d’échange ne sont donc pas imposables immédiatement mais le deviendront lorsque le produit reçu en échange fera l’objet d’une cession.

Quel est le montant soumis à l’impôt ?

Les règles relatives au calcul de la plus-value imposable sont particulièrement originales et complexes. Elles reviennent à considérer tous les actifs numériques détenus comme une masse dont la situation est positive ou négative.

En effet, pour chaque opération imposable, la plus ou moins-value réalisée est égale à la différence entre

  • le prix de cession ou la valeur de la contrepartie en biens ou services obtenue par le cédant, et ;
  • le produit du prix total d’acquisition de l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques par le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille.

Un exemple plus loin permettra d’illustrer de manière concrète.

Précisons que le prix total d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques et égal à la somme des prix acquittés à l’occasion de l’ensemble des acquisitions réalisées avant la cession. Il est réduit de la somme des fractions initiales contenues dans la valeur ou le prix de chacune des différentes cessions réalisées antérieurement.

Autre point très important et source de complications : le « portefeuille d’actifs numériques » s’entend de l’ensemble des actifs numériques détenus ou ayant été détenus par le cédant et les différents membres de son foyer fiscal et ce, quel que soit le support de conservation (plateformes d’échanges, y compris étrangères, serveurs, stockage hors-ligne, etc.).

Compte-tenu de ces règles, la valorisation du portefeuille doit s’effectuer à chaque fois qu’une opération imposable intervient : cession, échange avec soulte, etc. et le montant doit être déterminé pour sa valeur en euros.

 

Exemple 

Pour mieux comprendre, illustrons par un exemple (les chiffres ne sont pas réels) :

Un particulier achète en janvier N trois Bitcoins pour un montant de 6.000 €. En avril, il échange un Bitcoin contre 25 Ethers, cette opération d’échange sans soulte n’est pas imposable. En janvier de l’année suivante, il cède ses deux bitcoins pour une montant de 5.000 € mais conserve ses 25 Ethers qui ont une valeur de 10.000 €. Au moment de cette cession, la valeur de son portefeuille s’élève à
5.000 € (2 Bitcoins) + 10.000 € 
(25 Ethers) = 15.000 €.

La cession de ses deux Bitcoins génère une plus-value de 5.000 – 6.000*(5.000/15.000) = 3.000 €.

 

Imposition de la plus-value latente ?

Dans notre exemple, les deux Bitcoins revendus 5.000 € ont été achetés pour 4.000 €. Intuitivement, on pourrait donc penser que la plus-value s’élève à 1.000 €. Or compte-tenu des règles en vigueur, la plus-value imposable s’élève au triple de ce montant. Cela tient au fait que le mode de calcul de la plus-value revient à prendre en compte une partie des plus-values latentes sur les cryptoactifs non encore cédés. Le portefeuille d’actifs numériques forme une seule masse, quelques soient les actifs qui le composent effectivement. La plus ou moins-value s’apprécie au niveau global et non pas par cryptomonnaie. Voilà pourquoi l’on peut vendre un cryptomonnaie à perte tout en dégageant une plus-value imposable et inversement. Cela peut avoir d’importantes conséquences et nous y reviendrons dans un autre article.

On pourrait imaginer que la plateforme d’investissement propose le service de calcul des plus-values en fournissant à l’investisseur une information déjà formatée pour compléter la déclaration de revenus.  Malheureusement cela est impossible puisque le portefeuille d’actifs numériques s’apprécie comme la masse de tous les actifs numériques détenus, tous supports confondus et par tous les membres du foyer fiscal. C’est donc au contribuable lui-même de faire le travail. Et encore, l’exemple ci-dessus est relativement simple dès lors qu’il n’y a qu’une seule cession. N’oublions pas qu’à chaque opération imposable, il conviendra de calculer le prix total d’acquisition du portefeuille et d’en déduire les fractions de capital déjà contenues dans les prix de revient des cessions antérieurs. Un suivi dans le temps, avec un historique complet, est donc indispensable.

En pratique : un casse-tête ?

On le comprend, cela peut donc vite tourner au casse-tête. Nul doute que de nombreux particuliers ne pourront pas réaliser cet exercice fastidieux, par méconnaissance des règles, d’une part, mais aussi en raison de leur incapacité à retracer toutes les transactions (information non disponible ou trop grand volume).

Quid des moins-values ?

Précisons que les moins-values brutes subies au cours d’une année sont imputables exclusivement sur les plus-values brutes de même nature réalisées par le redevable (foyer fiscal) au titre de cette même année. Si la somme des opérations dégage une moins-value nette sur l’année, celle-ci est perdue : elle ne pourra pas être imputée sur les autres revenus du foyer ni être reportée sur les éventuelles plus-values ultérieures.

Un régime différent pour les gains tirés de l’activité de minage

En outre, les gains tirés de l’activité de minage sont imposables dans la catégorie des BNC, c’est-à-dire au taux marginal de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au taux de 17,2%. Ils sont donc imposés différemment des gains de cession réalisés à titre occasionnel. D'après nos informations, les gains tirés du staking ne seraient pas nécessairement traités de la même manière (ils constitueraient des intérêts, déclarables et imposables comme tels). 

Là encore le casse-tête n’est pas loin puisqu’un utilisateur qui recevrait des cryptomonnaies au titre du minage puis les revendrait ultérieurement en réalisant une plus-value verrait sont gain total réparti en deux composantes imposées différemment. Autre conséquence : si postérieurement au minage et au gain qui en résulte la cryptomonnaie chute et que l’utilisateur réalise une moins-value à l’occasion d’une cession, celle-ci ne pourra venir s’imputer sur le gain de minage qui sera imposé distinctement.

Conserver l’historique est indispensable

Dans le cas où le vendeur n’est pas en mesure de justifier le prix d’acquisition, celui-ci est réputé être nul : autrement dit, la totalité du prix de cession sera assimilé à un gain. Il est donc indispensable de conserver l’historique de ses transactions pour ne pas se retrouver dans cette situation pénalisante.

Une exonération d’impôt pour les (très) faibles volumes

Les contribuables sont exonérés lorsque la somme des prix de cession, hors opération d’échange en sursis d’imposition, n’excède pas 305 € au cours de l’année.

Opérations réalisées par l’intermédiaire d’une société interposée 

Précisons aussi que dans le cas où les opérations en cryptomonnaies sont réalisées au sein d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, ce sont les mêmes principes qui s’appliqueront et les plus-values seront soumises à l’impôt au niveau des associés à hauteur de leur quote-part respective.

Quelles sont les formalités déclaratives ?

Les particuliers devront compléter un imprimé spécial dédié à la détermination des plus-values de cession d’actifs numériques (imprimé n° 2086) qui permet de retracer, opération après opération, le montant soumis à l’impôt. Ils devront en outre conserver tous les justificatifs pour répondre aux éventuelles demandes de l’administration fiscale.

Bien entendu, tous les revenus (plus-values, gains de minage, intérêts) devront également être porté sur le formulaire des revenus encaissés hors de France (imprimé n° 2047). 

En outre, les particuliers sont tenus de déclarer les références des comptes d’actifs numériques qu’ils détiennent auprès d’établissement situés à l’étranger (c’est le corolaire de la déclaration des comptes bancaires ou contrat d’assurance vie détenus hors de France). Le manquement à cette obligation déclarative est passible d’une amende de 750 € par compte non déclaré (125€ en cas d’inexactitude ou omission), voire d’une amende de 1.500 € lorsque le compte non déclaré présente un solde supérieur à 50.000 €.

 

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Cet article a fait l'objet d'une publication sur le site Village de la Juctice. Vous pouvez le retrouver ici